En cette année 2014, la jeune Bécassette, fraîche émoulue de l' école des maîtres d' école, a été nommée à Bordeaux, fort loin, pense t' elle, de sa Bretagne natale.
Si l' on sait combien les Bretons sont attachés à leur province, on ne s' étonnera pas de la voir un peu tristounette.
Néanmoins, décidée à s' inscrire très vite dans son nouvel environnement, elle a entrepris de visiter la ville.
D' abord, les lieux emblématiques : le Grand Théâtre, qu' elle trouve particulièrement beau le soir,
Le Miroir d' Eau, où elle se promet de venir elle aussi, patauger à l' heure de la brume magique, quand les beaux jours venus, la chaleur se fera trop dure pour la Bretonne qu' elle est.
Et voilà qu' un mercredi, alors qu' elle déambulait dans la tranquille rue Borie, du prestigieux quartier des Chartrons, elle eut une grande surprise, doublée d' une émotion qui fit rosir ses joues.
Elle tomba en arrêt devant une porte rouge.
Ah ! ça alors ! se dit' elle en voyant la pancarte;
Mais c' est le restaurant qu' avait ouvert mon arrière grand-mère !
Il existe toujours !!! Je rentre, je veux voir ça !
Mais.....c' est Bekassa, la fille que le marquis de Proey-Minan avait eu quand il faisait son service militaire au Sénégal. Je me souviens avoir entendu ma grand-mère parler de cette soeur adoptive, quand sa mère l' avait recueillie à la mort du marquis.
Voilà que je retrouve mon histoire familiale à Bordeaux !
Me voici dans la grande salle. Un monsieur sympathique vient m' accueillir : le patron.
A ma gauche, un comptoir sépare de la partie cuisine. En effet, les plats sont préparés devant les clients. Trois messieurs y mangent en pérorant, bien que ce ne soit pas encore tout à fait l' heure.
Du même côté, dans des meubles bien astiqués, la collection de vins, du Bordelais, mais aussi du monde entier. On n' a que l' embarras du choix. Et...un morceau de l' avenant maitre des lieux, dont il est aussi le talentueux cuisinier, si j' en crois ce que j' entends.
Mais, ce sont les jambes de mon arrière grand-mère que j' ai vues ! Mais oui, c' est elle, je la reconnais;
De là-haut, elle surveille encore ce qui se passe, et que la tradition d' excellence soit maintenue. Sur ce point, elle ne doit pas se faire trop de souci, car les gens ont l' air de se régaler.
Je vais m' installer par là, vers cette partie de la salle où les tables sont comme chez ma grand-mère.
Le serveur, aussi avenant que son patron, vient me présenter la carte. A midi, c' est menu, avec deux plats au choix, plus entrée ou dessert, ou les deux moyennant un très léger supplément. J' opte pour des linguines aux coquilles Saint Jacques fraîches. Après, on verra si j' ai encore faim, car ici, on n' est pas adepte de la nouvelle cuisine avec trois bouchées dans son assiette.
Aux murs, des tableaux de fort bonne facture, qui peuvent, parait' il, être vendus. J' en mettrais bien un chez moi, quand je serai bien installée.
Au-dessus de la porte qui va vers l' office, une effigie de ma grand-mère. Il parait que je lui ressemble. Quand je vais raconter ça chez moi !!! Ils voudront tous venir voir.
Tout est chaleureux et sympathique ici, les couleurs, le patron, le serveur, et les clients qui se régalent et se détendent, dans une atmosphère de convivialité contagieuse.
Je reviendrai, car, enfin, je suis quand même un peu chez moi. D' ailleurs, le patron m' a offert le repas, en l' honneur de mon arrière grand-mère.
Mais si je veux venir le soir, il sera plus prudent de réserver, surtout à partir du mois de Juin, où un chanteur se produira une fois par mois, toute l' année.. J' ai même ouï-dire que le patron chantait aussi ! Mais chut !!!!