Tout avait pourtant bien commencé. Nous étions trois pirogues, en file indienne (!!!), à voguer sur l' Amazone. Les autochtones nous avaient prévenus que dans cette direction, nous risquions de tomber sur des tribus hostiles; mais l' eau était si verte, et tout paraissait si calme !
La nature, ici, était encore aimable. Devant nous, les deux autres bateaux paraissaient s' enfoncer dans d' étroits couloirs aquatiques.
Ceux-ci s' ouvraient devant nous, prêts à engloutir les inconscients que nous sommes.
Soudain, face à nous, une étrange construction de bois. Le courant devient plus rapide; " pas étonnant, c' est le barrage " nous dit le piroguier, " tenez vous bien, et je vous rappelle qu' en aucun cas, vous ne devez laisser vos mains trainer dans l' eau; les alligators sont friands de mains humaines ".
Les alligators !!! Et pourquoi pas les réducteurs de têtes ! " Eux, un peu plus loin " dit le piroguier, si imperturbable que nous croyons qu' il plaisante. Mais, quand nous entendant rigoler, il nous regarde d' un air si bizarre.....instantanément, et malgré la chaleur, nos rires gèlent dans nos gorges.
Nous avons franchi les rapides
Les rives du fleuve se font plus mystérieuses et plus inextricables. " Et attention aux piranhas " nous assène le piroguier, décidément très en verve. Il ne manquait plus qu' eux !
A bord du bateau, l' atmosphère a quelque peu changé. Elle devient un peu électrique. Les regards sont méfiants et circulaires. La navigation est plus difficile. Les arbres morts colonisent le fleuve.
Tout à coup, tous, nous nous figeons. N' est-ce pas un visage pointu qui nous observe à travers ces fougères géantes ?
Ce monde vert, est' il vraiment l' enfer dont on parle ? Pourtant, des nuées de libellules bleues dansent autour de nous un aimable ballet aérien. Elles sont insaisissables. En voila cependant une qui pose pour la photo. Vite, avant qu' elle ne s' envole.
Bizarre ! Les deux barques qui nous précédaient, ont disparu. Nous voguions pourtant à la même vitesse. Est-ce que..........par hasard ??? Un frisson glacé parcourt la pirogue.
Parfois, nous devons passer sous de véritables arches de bois, nous obligeant à nous aplatir dans le fond du bateau, pour ne pas être décapités. Pas la peine de faciliter le travail des Jivaros.
Me reviennent alors d' affreuses images de tsantzas, ces têtes réduites dans lesquelles était retenu prisonnier, l' esprit vengeur de l' ennemi que le Jivaro venait de vaincre.
Ainsi, il ne craignait pas la vengeance du vaincu.
Un alligator regagne la rive. Le piroguier laisse glisser la pirogue afin de ne pas l' alerter. Nous retenons notre souffle.
Il me remet en mémoire une vieille connaissance, Oscar l' Alligator, rencontré en Floride il y a quelques années.
Nous passons discrètement devant une tortue géante. Son déguisement pour passer inaperçue ne nous trompe pas. Je parie qu' elle renseigne les Jivaros.
Tout s' assombrit. Le fleuve, devant nous, a la couleur verte du Léthé. Est-ce bien prudent de continuer ? N' allons-nous pas être frappés d' oubli ?
Nous continuons malgré tout. Il n' y a pas d' éclaircie.
Il me semble même que le décor se brouille ! Où sommes-nous donc ? Et, que faisons-nous ici ?
Indiana Jones ! Au secours !