Hier, samedi, dans le supplément magazine du journal Sud-Ouest, il y a eu un court reportage en images sur " Ma Fac ", l' ancienne faculté de médecine de la place de la Victoire à Bordeaux, où j' ai passé six des meilleures années de ma vie. Il me semble avoir été de la dernière génération d' étudiants de cette fac avant son transfert au domaine de Carrère, près du CHU Pellegrin.
Après l' année de PCB qui se faisait à la fac de sciences cours Pasteur, on entrait enfin dans cette fac, lointaine héritière de l' Université éphémère créée en mille quatre cent quarante et un, quand Bordeaux était encore sous domination anglaise.
Dans les années soixante, mes années, l' Université de Bordeaux était la deuxième de France, après Paris.
Dès l' entrée, on se trouvait dans un atrium aux belles mosaïques.
En face, au fond, l' escalier à double révolution qui menait aux deux amphis où nous étions le plus souvent : Gintrac à droite et Pitres à gauche, à moins que ce ne soit le contraire, je ne m' en souviens pas.
Les gradins de ces amphis étaient à très forte pente, et la visibilité était excellente.
C' était à Gintrac, ou à Pitres, que se faisait le tirage au sort de la lettre alphabétique, et les noms commençant par elle étaient privilégiés car le choix des services hospitaliers où se feraient les stages des premier et second semestres, était largement ouvert. Mon ami et moi, tremblions de ne plus avoir la possibilité d' être ensemble, nos noms étant alphabétiquement éloignés, R pour lui, C pour moi, et nous craignions qu' il n' y ait plus de place pour celui qui passait en dernier dans le service choisi par le premier servi. On a eu de la chance en première et deuxième année; après c' était impossible car "je filais " plus vite que lui.
La cour centrale, bordée de galeries à colonnades, était magnifique.
Il y avait un monument aux morts de la guerre 14-18, et, au fond, le grand amphi, Denucé je pense, qu' une année, je ne sais plus laquelle, peut-être la quatrième, nous partagions pour un seul cours, avec les étudiants en pharmacie.
La place de la Victoire, occupée en ce temps-là par un marché aux fleurs,
Comportait plusieurs cafés dont les clientèles, essentiellement étudiantes, étaient ciblées selon la fac à laquelle elles appartenaient.
A " l' Oriental ", il y avait les étudiants en lettres venus du cours Pasteur tout proche. J' y allais de temps en temps, car une amie faisait des études d' espagnol, et c' était notre point de rendez-vous.
" Chez Irène ", il y avait surtout des étudiants en sciences, venus aussi du cours Pasteur. Mon ami y allait " taper le carton " avec ses trois copains de lycée qui étaient tous en physique ou en mathématiques. ( J' y étais interdite.... depuis qu' il avait fait dégringoler les marches de la fac de sciences à l' un d' eux sous prétexte qu' il me draguait sous son nez !!!). Et après, le poker n' étant pas au programme, il était collé aux examens, vissé tout l' été dans la maison familiale, et m' enguirlandais si je revenais de vacances trop tard à son goût pour le faire travailler pour la session de septembre/octobre, car il ne faisait rien si je n' étais pas là. Il faut dire qu' il détestait la médecine, mais son père l' obligeait.
Et puis, le plus célèbre d' entre tous : " Chez Auguste ", où se retrouvaient pêle-mêle étudiants en médecine et certains profs nostalgiques de leur jeunesse.
Cela entrainait quelques mésaventures. Ainsi, un de mes copains avait l' habitude d' y passer ses après-midis à jouer à la belote avec trois personnages. L' un d' eux, un jour lui dit : " que fais-tu dans la vie, je te vois toujours ici " ? Sans se méfier, il répondit : " je suis étudiant au b....l d' à-côté, mais j' ai une copine qui me passe les cours ". " Ah oui ! Et moi je suis le professeur R.. je donne les cours d' anatomie. On se retrouvera aux examens de juin ". On en rit encore.
C' était le bon temps. A partir du mois d' avril, avec trois ou quatre copains, on organisait un tour de...garde. Il y en avait un, (ou moi), qui prenait les cours au carbone pendant que les autres allaient à la plage. L' alternance fonctionnait très bien.
En fait, cela ne m' aurait peut-être pas déplu que ça dure toute la vie, ou du moins très longtemps ! mais je ne suis pas allée jusqu' à redoubler. Je crois que ce n' aurait pas été très apprécié. Mais j' ai réussi à prolonger en faisant deux spécialités : psychiatrie et homéopathie. Pour attendre mon ami qui avait pris du retard, service militaire compris.
Et maintenant, il est mort, neuf an déjà, ainsi que tous mes bons copains, sauf le beloteur.
Nostalgie, quand tu nous tiens !