Mon ami et moi partagions, entre autres, un amour commun pour le désert, et en particulier pour le Sahara. Mais la rencontre avec le désert est toujours une aventure singulière.
Mon premier désert est en noir et blanc et il est algérien. J' étais dans un camion militaire, au-delà de Djelfa, en route vers le sud et l' envoûtement de Ghardaïa.
La route depuis Alger n' était pas des plus sûre en ce temps-là. C' était aussi celui où, pour l' unique fois de ma vie, j' ai imité la signature de mon père, m' autorisant à partir vers le sud sous la responsabilité de l' armée française. Celle-ci, de mauvaise humeur, m' avait enfermée une nuit dans une cellule à Bou Sâada; Il faut dire que j' avais désobéi, et le capitaine avait eu peur.
C' était encore le reg, mais, au loin, on devinait les premières dunes du pays mozabite.
Deux dromadaires, immobiles, méditaient dans ce lieu de silence propice. Un peu plus loin, un autre avait compris que le désert demande silence et solitude pour se confronter à l' immensité de l' absolu.
Depuis, j' ai eu maintes autres rencontres.
* Le Sahara tunisien, à la limite du Grand Erg Oriental, là-bas, vers Douz, petit douar perdu dans les sables.
* ou le Djerid, plus loin vers l' ouest, au sud de Nefta, où le mirage venait ajouter à la magie du lieu.
J' avais emmené là, l' amie parisienne venue me rejoindre à Tunis, et elle a un peu gâché mon plaisir car elle n'a pas supporté le désert où elle se sentait écrasée. Nous en sommes donc parties aussitôt. Comment n'a t'elle pas ressenti cette expansion extraordinaire de l' être dans ce décor immense, dans cette pure et absolue solitude qui permet le face à face avec soi-même. C'est dans le désert que l' on comprend pourquoi le monothéisme y est né. Peut-être parce qu' elle est athée ?
* Puis, il y a eu les déserts américains, la terre rouge du désert peint,
* le désert libyque, sur la rive occidentale du Nil,
* Et enfin, le désert de Judée, d' où vient le mot " juif ", et où il me semblait voir mes ancêtres marcher, cinq mille ans plus tôt, sur la crête des monts.
Ce désert-là est celui de l'affectivité et du lien immémorial, mais c' est le Sahara qui me donne cette sensation d' absolu qui nourrit l' âme.