Le temps de l' amour ne dure pas toujours, dit la chanson. Un jour, il s' en va, discret, sur la pointe des pieds, ou fracassant, emporté par un vent léthal, parce que le Destin veut que les êtres, tôt ou tard, soient arrachés les uns aux autres.
Le temps de l' amour est fini. On s' en souvient.
Et il y a l' amitié, le deuxième pôle de l' affectivité humaine.
En continuant ma promenade dans Sarlat, une statue m' est apparue : Etienne de La Boétie.
C' est vrai qu' il est né ici, à Sarlat, le 1er novembre mille cinq cent trente, tout le monde le sait, mais sait-on qu' il est mort, à trente deux ans, à moins de deux kilomètres de chez moi, au Taillan-Médoc ?
Comment parler de La Boétie sans évoquer Montaigne ?
Né le vingt huit février mille cinq cent trente trois, il est de trois ans plus jeune que La Boétie. Alors qu' ils sont tout deux conseillers au Parlement de Bordeaux, ils se lient d' une indéfectible amitié virile, quand Montaigne demande à connaître l' auteur d' un ouvrage : " le Discours de la servitude volontaire ou le contr'un ".
Véritable réquisitoire contre la tyrannie, cet ouvrage surprend Montaigne par son érudition et sa profondeur. La Boétie y pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population, et essaie d' en analyser les raisons de sa soumission.
Cet ouvrage peut paraître aujourd'hui terriblement moderne, car, en ces temps de grande manipulation, il est étrange de voir à quel point le peuple a perdu toute capacité d' analyse, et se soumet avec tant de complaisance inconsciente, et même pour certains, jouissive, à certains diktats d' où qu' ils viennent.
Quand je suis tombée en arrêt devant la belle demeure de La Boétie à Sarlat, je ne me doutais pas des enchaînements de pensées que ce simple arrêt allait occasionner.
Montaigne et La Boétie sont devenus les symboles de l' amitié, ce sentiment qui nait entre deux êtres et qui ne s' explique pas ainsi que le disait Montaigne :
" Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitié, ce ne sont qu' accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s' entretiennent. En l' amitié dont je parle, elles se mêlent et se confondent l' une en l' autre, d' un mélange si universel, qu' elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l' aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu' en répondant : parce que c' était lui, parce que c' était moi ".