C' était un de ces jours gris de début de printemps qui ressemble à l' hiver. La Bretagne est reine dans l' art de peindre, poétiquement, le décor aux couleurs de la mélancolie.
Et pourtant, nous étions encore dans les jours heureux. Au temps du " nous ". Il avait décidé de me faire connaître quelques coins secrets du golfe du Morbihan, la petite mer.
D' abord, un de ces endroits où la mer s' engouffre dans les terres pour aller flirter avec les ajoncs, qui, timidement, commençaient à s' épanouir.
Elle s' était déguisée en lac, pour faire croire à son innocence. J' étais sûre que des korrigans se cachaient dans cette lande. Le Petit Peuple est devenu invisible, mais il existe encore. Mine de rien, pour ne pas me faire traiter de folle une fois de plus, mon regard se mit à fureter à droite et à gauche, guettant le moindre frémissement des plantes. Et soudain, je le vis. Il faisait la sieste appuyé contre un tronc.
J' avais une envie folle d' aller lui promener une petite branche d' ajonc sous le nez. Je devais avoir la tête de celle qui prépare un mauvais coup, car, tout à coup, il me regarda de cet oeil soupçonneux que je connaissais bien. A tout hasard il me dit : " n'y pense même pas ".
Bon, si on ne peut plus s' amuser ! Mais il avait raison sans le savoir, car les korrigans sont parfois méchants et adorent tourmenter les humains.
Poursuivant la promenade, nous voilà arrivés au bord de l' océan. Nous sommes dans un monde où la limite entre le ciel et la mer se réduit à une mince ligne verte.
L' ambiance est crépusculaire et......incite au romantisme. Elle me fait penser à Victor Hugo. Peut-être était'il sur une grève semblable, à Guernesey, quand il a écrit " Les Châtiments ".
Je pensais que chez nous, en Gironde, les rives sauvages de l' océan avaient malgré tout, un air plus aimable, plus doré, plus....voluptueux, plus trompeur.
La côte devient encore plus sauvage, caillouteuse, déchirée, belle. Pour prendre des bains de soleil, il y a mieux, mais devant ce paysage tourmenté, on prend mieux la mesure de la puissance de la mer.
Le vent se fait plus violent, nous mord le visage. Nous allons rentrer. Je n' ai rien fait pour le dîner. Et si nous allions dans ce petit restaurant afghan où l' on s' était régalé ???
Mais ça, c' était avant.