J'aime beaucoup les pins, et celui-ci est un de mes arbres préférés du jardin. C'est un ami.
Il sait rosir délicatement à l'heure des derniers flamboiements du soleil, déjà tombé dans l'océan là-bas, vers l'ouest.
Il sait transformer des branches en pince pour essayer d'attraper la lune et, j'en suis sûre, me l'offrir.
Il était là quand mes parents ont fait construire cette maison, il y a quarante et un ans. Je l'ai toujours connu. Il n'a pas poussé droit comme certains de ses frères, bien raides au garde-à-vous, comme des soldats. Il n'en a fait qu'à sa tête, s'orientant selon son bon plaisir. Libre et indépendant, voire un tout petit peu rebelle, et c'est pour ça que l'on s'entend bien lui et moi.
Et puis, dans cet été bizarre, il y a eu, trois ou quatre nuits auparavant, un très fort orage avec des vents tourbillonnants. Et le lendemain, nous avons vu une grosse branche qui s'était détachée du tronc, et qui semblait flotter entre ciel et terre.
Un vieux prunus compatissant l'avait retenue dans sa chute, mais en avait été écrabouillé lui-même.
En s'arrachant à son tronc nourricier, elle lui a laissé une grande cicatrice;
Et mon pauvre pin a versé bien des larmes de résine.
Un peu plus haut, une autre branche était cassée à moitié, ajoutant à son malheur.
Lui qui avait si bien résisté à la grande tempête de mille neuf cent quatre vingt dix neuf !
L'élagueur est venu constater les dégâts........et nous administrer une douche froide : plus prosaïque que moi, il nous a annoncé que les larmes de résine sont le signe que le pin est attaqué par les scolytes........et qu'il n'y a pas de traitement sur les arbres vivants.
Ces diaboliques insectes sont attirés par les phéromones des arbres en cas de forte chaleur ou après une tempête. Nous avons eu les deux. Maudits soient-ils !
Pleure mon ami, pleure, et je pleure avec toi !