La première fois que je suis allée au Maroc, (vous savez en 4CV et sans lunettes), j' avais débarqué à Ceuta, principale ville du protectorat espagnol sur cette région du Rif occidental, avant son abrogation en mille neuf cent cinquante six.
Mes deux co-équipières et moi ne nous y sommes pas attardées, et avons aussitôt pris la route vers Tetouan. En ces temps déjà reculés, les routes rifaines étaient aussi mauvaises que les routes espagnoles. Mais, on essayait déjà d'y remédier.
Notre première étape était la ville de Chefchaouen, assez méconnue des circuits touristiques, que je fuyais comme la peste. Comment je la connaissais ? Je ne sais plus, peut-être par ce grand oncle qui avait fait la guerre du Maroc.
En tout cas, je savais que l'on y fabriquait de beaux bijoux d'argent, et....j'avais envie d'un bracelet.
De notre passage rapide à Tetouan, je ne me souviens que d'une mésaventure.Nous avions soif et décidâmes de nous arrêter dans le premier café venu. J'y commandais un lait-fraise, à la mode cette année-là. Dès la première gorgée, je fis une horrible grimace, mon lait-fraise était fait avec du lait de chèvre au goût très fort. beurk ! Je n'avais pas aimé du tout.
Bientôt, nous atteignîmes les premiers contreforts des montagnes du Rif. Ils entouraient un lac dont j'ai oublié le nom mais qui rendait le décor assez joli.
La route, plutôt cahotique, grimpait légèrement dans ces montagnes usées, longeant un oued à sec. Mais il ne faut pas s'y fier, les montagnes peuvent être très hautes. Nées de la collision entre les plaques européenne et africaine, elles sont le pendant de la Sierra Nevada andalouse.
Les pentes sont le domaine des cèdres qui forment de vastes forêts au-dessus de mille cinq cents mètres. Les sapins se trouvent dans la région de Chefchaouen, aux environs de six cents mètres d'altitude, et, plus bas, règne les chênes verts.
Enfin, la ville se profila à l'horizon et, peu à peu, précisa ses contours.
Chefchaouen ou Chaouen, vient du berbère achawen qui signifie les cornes, en raison des pics montagneux qui l'entourent.
La ville fut fondée à la fin du XVème siècle par un noble marocain, Rachid Al-Alami, revenant du Royaume de Grenade où il avait guerroyé.
Elle fut peuplée principalement d'Andalous, puis de Morisques. Ces derniers étaient des Musulmans d'Espagne qui s'étaient convertis au catholicisme à la suite du décret d'expulsion des Musulmans de l'Aragon.
Puis, Chaouen fut interdite aux Chrétiens sous peine de mort. Seul, Charles de Foucauld brava cet interdit en mille huit cent quatre vingt trois.
Au XXème siècle, la vie de Chaouen fut mouvementée. En mille neuf cent vingt, les Espagnols s'en emparèrent, puis elle fut bombardée par l'escadrille La Fayette américaine, enfin, les troupes de Franco vinrent l'occuper.
La ville fut enfin rétrocédée au Maroc en mille neuf cent cinquante six après l'abrogation du protectorat.
Les exilés de Grenade amenèrent avec eux une tradition musicale : la musique arabo-andalouse, appelée aussi malouf, surtout en Tunisie.
C'est une musique non écrite, se transmettant oralement de maître à élève, et très différente de la musique arabe classique qui est plutôt l'apanage du Moyen-Orient et de l'Egypte.
En France, Enrico Macias, héritier musical du fameux Cheikh Raymond de Constantine, a fait connaître cette musique dans un de mes disques préférés.
Ne fait pas partie du disque de Macias
Ma première rencontre avec cette musique a peut-être eu lieu là, dans cette ville un peu perdue du Rif tingitan.
Je n'ai malheureusement plus d'autres photos de Chaouen, trop abimées par le temps, ou perdues, Mais, j'ai toujours le bracelet !