Depuis que le plafond de ma chambre m'est presque tombé sur la tête, pendant l'orage de grêle mémorable du quinze juillet dernier, je fouine toujours dans la pièce à la recherche de ce qui a échappé au cataclysme.
Parmi les quelques rescapés, une photo en noir et blanc, datant de mille neuf cent cinquante sept, quand j' étais encore dans les " petites classes " de la fac de médecine.
Débarrassée des examens de juin, je pouvais partir en vacances l'âme en paix. En juillet, j'allais travailler dans le Cabinet de mon père, afin de gagner l'argent qu'il allait me donner pour partir en voyage. C'était traditionnel ; " Tu veux partir en voyage ma fille ! OK, mais tu dois le gagner ".
Cette année-là, je partis aux Baléares en septembre, avec une amie qui, déjà, était d'enfance, et avec laquelle je rigole bien encore de nos jours. Deux vieilles biques qui ont oublié que les années passent et qui croient qu'elles ont toujours 12 ans. C'est chouette !
Je laissais derrière moi un pauvre garçon qui, collé en juin, devait repasser les examens en septembre/octobre, et qui n'appréciait pas que je parte à un moment aussi proche de la date fatidique, car il avait décrété qu'il ne pouvait pas réviser sans moi. Ce fut ainsi pendant toute la durée de nos études. Il détestait ce cursus médical que son père l'obligeait à suivre.
Bordeaux / Barcelone, puis un bateau jusqu'à Palma de Mallorca.
Le séjour fut agréable. Pollença, Valldemossa et sa célèbre chartreuse où George Sand et Frédéric Chopin passèrent un hiver que j'imagine passionné. Jorge Luis Borgès et sa famille y vécurent en ville, et plus près de nous Michael Douglas et son épouse Catherine Zeta-Jones.
On admira la sérénité du jardin qui agrémentait la cellule de Chopin et qui, peut-être, lui inspira ses plus beaux préludes.
A Porto Cristo, nous visitâmes une grotte, Las Cuevas del Hams, qui avait de superbes stalactites cristallines, qui, en se reflétant dans l'eau du lac souterrain nommé " Mer de Venise ", devenaient stalagmites.
Mais la photo qui a fait émerger ces souvenirs est celle d'un avion. Un vieux Douglas DC 3 de la compagnie Ibéria. Cet appareil avait une histoire. Sorti d'usine en mille neuf cent trente six, il participa à la Seconde Guerre Mondiale. Les Douglas DC 3 furent achetés par l'armée de l'air américaine en mille neuf cent quarante et un, car elle manquait d' avions de transport, les efforts de production portant surtout sur les avions de combat.
J'avais décidé de ne pas rallier Barcelone en bateau avec tout le monde mais, de prendre l'avion. J' en brûlais d'envie depuis longtemps. J'avais failli faire tomber par la fenêtre, une vieille demoiselle amie de mes parents, en train de laver ses vitres, en lui disant abruptement : " Blanche, je sais ce que je ferai quand je serai grande, hôtesse de l'air ". Affolée, elle était vite partie voir ma mère pour la supplier de m'enlever de la tête une idée aussi dangereuse.
Et j'y étais. Il était là, devant moi, un peu pataud avec ses petits rideaux aux hublots, et le premier d'une longue série.
Depuis, j'ai volé dans des engins de toutes sortes, mongolfière, hélicoptère, petits avions ou énormes machines volantes, même des hydravions pilotés par d'anciens militaires casse-cous. Mais c'est dans celui-ci que j'ai pris mon baptême de l'air. Alors je suis très contente de l'avoir retrouvé. J'irais presque à dire " merci les grêlons ! ".