Nous sommes allés trois ou quatre fois à Nefta, dans le sud tunisien, aux confins du Sahara dont la séparait le chott Ed Djerid, le pays des mirages.
C'est à Nefta que, lors d'un week-end hivernal, j'ai eu l'occasion de faire une balade en montgolfière, avec un atterrissage forcé et cahotique.......du mauvais côté de la frontière avec l'Algérie,(où je n'étais pas particulièrement la bienvenue), où des camions militaires surgis de nulle part, sont arrivés, menaçants, et nous ont reconduits côté tunisien à notre soulagement. De là, on avait réussi à décoller et à rentrer à Nefta.
Cette ville était magique; un vrai coin de paradis. Elle était célèbre pour sa " corbeille " une sorte de cirque naturel où cent cinquante deux sources alimentaient un oued qui abreuvait la palmeraie. Ma photo suivante date des années soixante, prise du fameux café de l'Assil.
Plus tard, je l'ai faite connaître à des amis new-yorkais, qui ont gardé de la promenade dans cette palmeraie luxuriante, un souvenir enchanteur
Ces sources étaient une bénédiction faisant de Nefta une oasis inattendue.
Une vie ancestrale s'y déroulait, paisible. Même le trottinement des ânes était plus léger.
Nefta est une ville très ancienne. Elle appartint d'abord à la Numidie, cet ancien royaume berbère qui exista de -202 à -40 avant J.C. et qui s'étendait de la Maurétanie à Carthage, et de la Méditerranée au Sahara.
Puis elle devint romaine sous le nom d' Africa Nova. Son histoire fut mouvementée à cause des divisions qui firent s'affronter des rois de tribus rivales, puis vinrent les Guerres Puniques avec Rome et Scipion l' Africain.
Il reste des traces de la Numidie, dans certains noms rappelant un roi comme Jugurtha, ou un mausolée près de Batna en Algérie datant du IIème siècle.
Puis surgit la déferlante des cavaliers arabes qui en chassa les Romains.
Nefta devint alors un haut-lieu du Soufisme. Il s'agit d'un chemin de sagesse, une voie ésotérique et initiatique de l' Islam, organisée en confréries autour d'un saint homme : le Marabout.
Isabelle Eberhardt, écrivain (*) de parents russes, devenue française par son mariage, avait adhéré à la doctrine soufie. Elle parcourait l' Algérie habillée en homme, et avait rencontré le Général Lyautey qui avait dit d'elle : " Elle est ce qui m'attire le plus au monde : une réfractaire ". Les goûts ont apparemment changé !
Le Soufisme est à l'opposé du Salafisme.
Et Nefta aujourd'hui ? C'est la désolation. Dans les années quatre vingt, les sources se sont taries. L'oued a cessé d'abreuver les palmiers, et de la splendide oasis ne restent que quelques arbres étiques qui, malgré le bassin qui a été construit là, en accentuent encore la désolation.
(*) Les amours nomades