Nous étions en janvier ou février, et un jour reste mémorable pour moi parce qu'il m'est arrivé deux événements marquants, le premier : j'ai vu rougir la mer, c'était magique et j'en garde un souvenir ébloui,le second, concomitant au premier : la batterie de mon appareil-photos était à plat. J'ai eu du mal à me pardonner. Comment avais-je pu me laisser surprendre ? Alors j'avais acheté des cartes postales.
J'étais venue passer quelques jours à Eilat. il faisait trop froid en France. Alors la Mer Rouge avec ses vingt cinq degrés me paraissait tout indiquée. Il y avait eu la guerre des Six jours quelques mois auparavant, et le Sinaï avait été annexé par Israël. Bonne occasion pour aller y faire un tour. Je décidais d'aller à Sharm El Sheikh, à l'extrémité sud de la péninsule. En ce temps-là ce n' était qu'un tout petit village de pêcheurs, mais la route pour y aller était pittoresque, épousant toutes les irrégularités de la côte, mini-caps ou mini-criques.
En fait, je longeais le golfe d'Eilat, ou d'Aqaba, selon que l'on est israélien ou jordanien. Les villes d'Eilat et d'Aqaba, au fond du golfe sont distantes de moins de cinq kilomètres, et les échanges de l'une à l'autre sont aisés, les Jordaniens venant volontiers faire leur marché à Eilat. Le golfe, très étroit, est un prolongement de la Mer Rouge, comme le golfe de Suez, de l'autre côté du Sinaï.
A l'aller, je longeais une mer d'un bleu étincelant, parfait reflet du ciel, et je me disais que j'aimerais bien avoir la justification de son nom. Sur l'autre rive s'étiraient les montagnes de Jordanie puis d'Arabie Saoudite.
Il n'y avait rien de remarquable à Sharm El Sheikh en ce temps-là, sauf des requins plutôt féroces qui n'hésitaient pas à croquer tout pêcheur imprudent.
Je suis repartie en fin d'après-midi, en me disant que j'aurais du partir plus tôt car la nuit n'allait pas tarder à tomber.
La mer était toujours bleue, puis le soleil a commencé à décliner. Comme je remontais vers le nord, il se couchait à ma gauche, et....... c'est alors que la magie a opéré.
Les montagnes d' Arabie étaient naturellement d' ocre rouge et à mesure que le soleil, en se couchant, frappait ces montagnes, celles-ci devenaient d'un rouge de plus en plus vif. A mesure que le soleil était de plus en plus bas, le reflet des montagnes semblait avancer sur la mer qui peu à peu devenait incandescente. Enfin, je voyais la Mer Rouge la justement nommée.
Certains ont dit que la couleur rouge venait de bactéries qui en mourant coloraient l'eau; d'autres que ce nom venait du roi Erythrus, (du grec erythros = rouge), mais comme a dit l'écrivain latin Quinte Curce, " c'est pourquoi les ignares croient que ses eaux sont rouges ".
Les Romains l'appelaient Mare Rubrum et les Hébreux Yam Edom, et dans les deux cas cela signifie Mer Rouge.
Peu m'importe car j'ai bien vu la mer rougir dans le soleil couchant, et c'était magnifique.