Depuis quelques jours, le jardin bruisse de mille murmures, qui, étrangement, cessent quand j'approche. Cela me confirme dans mon idée qu'il s'y passe quelque chose de louche. Et plutôt dans le fond du jardin.
il semble même que cela concerne deux arbres qui se font face de part et d'autre d'une allée : le grand pin de Douglas, toujours rougissant quand je le regarde, comme s'il était coupable de quelque chose, et un acacia; mon arbre à beignets.
Quelque chose se trame entre ces deux-là, et peut-être cela ne date t'il pas d'hier car il me souvient que Philibert le résinier m' avait alertée en son temps.
Je décidais d'en savoir davantage. Pour cela, prenant un air détaché, j'allais impromptu, d'un côté du jardin, puis, brusquement, changeai de direction et surgissais face aux deux arbres.
Un silence lourd comme une chape de plomb s'abattit. Les oiseaux se turent, le souffle ténu du vent s'arrêta, et, quand je vis mes deux lascars, je sus, dès lors, que je ne m'étais pas trompée.
Le grand pin rougit, l'acacia devint jaune de dépit et d'inquiétude.
Alors, je suis repartie, mais ma conviction était faite : le grand pin était amoureux de cet odorant acacia, et.......vice versa ?
Mais comment allaient-ils faire ? Une allée les sépare. Je décidais de continuer à les épier.
Bon, c'est vrai; la curiosité parfois ce n'est pas bien, mais uniquement si elle est mal placée, et cette histoire n'est-elle pas émouvante ?
J'aurais voulu faire quelque chose pour eux, mais quoi ?
Et puis un jour, je me suis rendu compte que l'amour rend ingénieux, même les arbres qui nous paraissent si immobiles. Le grand pin avait trouvé le moyen d'exprimer ses sentiments. J'en restais un peu bouche-bée. Voyez plutôt :
Attention Grand Pin, j'espère que tu as la permission d'embrasser l'acacia, nous ne sommes plus au temps de François Truffaut et les " baisers volés " n'ont plus cour. Et tout magnifique sois-tu, tu n'es même pas un prince Charmant !