Je la regardais grandir sur cette rive africaine, depuis le bateau qui, pour la première fois, nous emmenait au Maroc.
Elle n'était pas encore marocaine mais ville internationale, carrefour du monde, le plus court chemin, disait-on, entre l'Amérique et l' Inde.
La médina, étincelante de blancheur, descendait en cascade vers la mer, et me rappelait l'autre ville blanche : Alger. Mais la ressemblance s'arrêtait là, à cette image un peu rêvée en blanc et bleu du ciel et de la mer.
J'y suis repassée plusieurs fois, mais les meilleurs souvenirs sont cette vision et les premiers porteurs d'eau avec leur clochette et les timbales brinquebalantes qui ornaient leur costume.
Tanger fut fondée par Antée, fils du dieu de la mer : Neptune. Il lui donna le nom de Tingis, dérivé de celui de son épouse Tingo.
Les navigateurs phéniciens vinrent établir des comptoirs sur cette rive des Portes d'Hercule et Tingis devint alors, jusqu'à l'époque romaine, la capitale de la Maurétanie Tingitane.
C'est une ville étrange. Est-elle espagnole ? Marocaine ? Les deux à la fois.
* Espagnole par ces cafés de l'avenue d'Espagne, où je me régalais de Horchata de Chufa, dont j'ai oublié le goût depuis si longtemps.
* Marocaine, par les charmeurs de serpents qui, bercés par le son hypnotique des tambourins, se laissaient manipuler devant nos yeux ébahis.
*Les deux, par ces rues où se mêlait une foule hétéroclite, le Petit Socco, forme espagnole de petit souk.
Et le Grand Socco, auquel on accédait par une porte monumentale.
Au Grand Socco, viennent vendre des tissus, les paysans rifains de la région de Chefchaouène reconnaissables à leur grand chapeau.
Dans l'Antiquité, Tanger dansait autour du Veau d'Or, ce parfait symbole de cupidité.
Est-ce à cause de ce lointain héritage qu'elle est devenue au XXème siècle une capitale mondiale de " échange des monnaies " ?
Mais peut-être chacun voit-il en Tanger ce qu'il a envie d'y voir ? Quant à moi, j'avais plutôt envie de dire, comme Pierre Loti :
" Que c'est loin l'Espagne ! "