Il est des moments où le vieux, mais, toujours vigoureux Océan, se rappelle qu' il est un Titan, fils aîné de Gaïa et Ouranos. Ce vieillard, à la barbe et aux cheveux verts,
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fut le dieu des mers et des océans, avant d' être détroné par Poséidon. Est-ce le souvenir de cette spoliation qui, parfois, le rend si furieux ? Il déchaîne alors sa force titanesque, et va, dans sa rage, fracasser les côtes, qu' habituellement, il caresse d' une douce écume blanche.
Ces jours-ci sont jours de colère.
Le vieux Titan s' est déchaîné. Sa colère a enflé démesurément, les couleurs, effrayées, ont fui devant toute cette noirceur qu' il a déversée sur les flots et dans le ciel.
Rabattu vers l' horizon, où des nuages gris attendent pour le dissoudre, le soleil lutte vaillamment pour donner un peu d' éclat au monde, mais, à peine parvient' il à ne pas l' envoyer au néant, en maintenant un ton de malachite sombre, à cette masse aquatique, qui monte à l' assaut de la côte en rouleaux noirs menaçants.
Ils explosent en gerbes d' écume sale, dans laquelle, j' en suis sûre, se cache le monstre marin, favori du dieu déchu.
Ivre de l' envie de détruire, il s' attaque aux maisons des Hommes, ces nains qui se prennent pour des géants, et construisent leurs demeures en des endroits qui ressemblent à un désir de le narguer.
Il en a trouvé une, et inlassablement, il lance ses vagues pour miner la dune sur laquelle est est bâtie. Il la ronge tant et si bien, que les Humains qui l' habitaient furent contraints de l' abandonner. Très vite, la maison agonise; tant bien que mal, elle résiste, mais, on sait qu' elle est tout près de s' effondrer.
Sûr de son triomphe proche, l' irascible vieillard a dressé dans le ciel safrané une colonne de victoire.
Puis, il me voit. Evidemment, avec mon imperméable rouge et mon appareil photo, je suis aisément repérable.
Suis-je venue pour immortaliser sa gloire ? Il se fait plus gentil, apaise le vent qui perd de sa violence, pare ses eaux de quelques bijoux en forme de barrettes dorées, qu' il emprunte au soleil.
Mais, ce n' est qu' un instant, bref et mensonger, car une nouvelle vague de colère ranime le vent, et, en une seconde, il me châtie d' une volée d' embruns, qui me transforment en gorgone mouillée et grelottante, qui part en courant vers l' abri de sa voiture, et démarre, tournant le dos à ce fou furieux.