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Au cours d' une visite à Nérac, dans le Lot & Garonne, nous avons fait une balade en bateau sur la Baïse, affluent de la Garonne.
Nous avons embarqué sur un coutrillon, sorte de gabarre couverte, appelé ainsi car construit dans la cité girondine de Coutras.
Nous avons quitté le petit port fluvial de Nérac, en passant sous la grande arche du Pont Neuf que la ville doit à un certain baron Haussmann.
Il faisait chaud et le ciel était incandescent. Sur la rive droite, une tour trapue surplombe la rivière.
Nous apprenons qu' il s' agit des bains du roi Henri II de Navarre dont Nérac, était la capitale,que Marguerite d' Angoulème, son épouse, femme la plus savante de son temps, ( elle parlait sept langues et écrivit l' Heptaméron), rendit très brillante, attirant de nombreux écrivains tel Clément Marot par exemple. Leur fille, Jeanne d' Albret, épousa Antoine de Bourbon et se convertit au protestantisme, entrainant en cela toute la région..
Cette tour eut aussi une autre fonction. Jeanne d' Albret eut un fils, né à Pau, futur Henri III de Navarre et.....Henri IV de France. Celui-ci était un polisson qui passa à Nérac les sept années qui précédèrent son mariage, à dix neuf ans, avec sa première épouse,Marguerite de Valois, plus connue dans les romans de cape et d' épée, et, au cinéma, sous le nom de reine Margot. On raconte que le jeune prince eut, à Nérac, quarante sept maitresses, qu' il recevait dans la fameuse tour.
Derrière cette petite ouverture grillagée, étaient conservés les aliments que l' on voulait garder au frais.
Après avoir laissé sur notre droite cette tour royale, nous entrâmes dans un univers unicolore, paisible et
immobile.
C' était un monde vert où régnait le silence. je regardais la rivière d' un oeil soupçonneux. Elle ne présentait aucune ride, ne faisait aucun bruit. Je pensais alors à ce que disaient certains poètes : " c' était un fleuve d' huile, dont le cours paisible ne faisait entendre aucun murmure; il coulait avec lenteur et silence ".
De quel fleuve parlaient' ils donc ? Soudain, je compris, le Léthé ! Celui qui sépare le monde des Enfers du monde de la Vie. Des réminiscences, des images et des vers venaient se fracasser dans ma mémoire. Baudelaire, les fleurs du mal.....
" Et dans ces bains de sang, qui, des Romains nous viennent
Il n' a su réchauffer ce cadavre hébété,
Où coule, au lieu de sang, l' eau verte du Léthé ".
Le Léthé, le fleuve de l' Oubli; celui dont les Âmes des Champs Elysées allaient, au bout de mille ans, boire l' eau, afin de pouvoir entrer dans de nouveaux corps et revoir la lumière du jour. N' est-ce pas de réincarnation dont nous parle Voltaire en citant ces mots dans son Dictionnaire ?
Cette rivière est un piège. On ne sait plus où l' on est. Baïse ? Léthé ?
Baïse, bien sûr. Mais d' où lui vient cette facilité d' évoquer un fleuve infernal, alors qu' elle n' est que calme et silence ? Justement, me dit une petite voix intérieure.
Baudelaire, Voltaire, Gaubert dans ses " Roses latines ", auraient' ils eu la même inspiration sur les bords de cette rivière gasconne ?
Allons-nous, au terme de cette balade nautique, avoir tout oublier ? Et il me revient ces mots, de je ne sais plus qui, qu' il me pardonne :
" Chaque instant de la vie est un Léthé qui nous sépare de ce qui fut ".