La Bohème, notre bateau, filait droit vers le large. A cette allure, nous aborderions les côtes américaines dans............mais, qu'est-ce que je raconte ? Divagation ? Encore !
Le but de ce court voyage sur les franges de l' Atlantique, était là, devant nous, surgissant peu à peu de la brume de chaleur qui parait cette chaude journée d' août d' un halo ténu : le phare de Cordouan.
Tous les passagers avaient le regard fixé sur lui. Sa silhouette, quasi hypnotique, grandissait devant nous.
Le bateau venait de s' immobiliser. L' affleurement du fond rocheux, et les bancs de sable que la marée basse découvrait peu à peu, l' empêchaient d' aller plus avant.
Allions-nous devoir nager ? L' eau était engageante, verte et tiède. mais non, un bateau à fond plat, véritable barge de débarquement, venait faire un premier plein de passagers.
Je serai donc du deuxième voyage. Ma soeur me fait un signe d' au-revoir triomphant.
Nous avons été débarqué au bord d' une chaussée de pierre rugueuse et étroite, que la mer n' abandonne jamais complètement. Nos pieds nus se crispaient sur ce peyrat que des incrustations de coquillages rendaient rude pour eux. On enviait les prévoyants qui avaient des tongs.
Stoïques, nous sommes arrivés à la poterne appelée " porte des marées ", qu' une tête malencontreuse n' a pas réussi à cacher complètement.
Après avoir grimpé un escalier assez raide,
Nous voici au pied du roi des phares, et phare des rois. Il nous toise du haut de ses soixante sept mètres cinquante de hauteur.
Ce géant est l' un des plus anciens, et le plus remarquable, des phares isolés en mer. Il est bâti sur un plateau rocheux de cent cinquante hectares, à neuf kilomètres de la pointe extrême de la côte girondine.
On dit qu' il fut édifié au Moyen-Âge par des Maures de Cordoue. Le Prince Noir voulut le faire consolider, en faisant élever une tour plus haute. A son sommet, brûlait un feu que l' enfer n' eut pas désavoué.. Mais, cette tour ne résista pas aux assauts furieux de la mer et des vents, et, c' est au temps de Montaigne que les trois premiers étages du phare actuel furent édifiés par l' architecte Louis de Foix.
Quand celui-ci mourut, dix huit ans plus tard, le phare n' était pas terminé, et, il n' y avait plus d' argent.
Il fallut attendre Louis XVI pour qu' une vraie restauration fut entreprise. Celle-ci fut confiée à un architecte franc-maçon niçois : Joseph Teulère. Il ajouta trois étages supplémentaires sous forme d' une tour tronçonique, qui suréleva le phare de soixante pieds, auxquels s' ajoute la hauteur du lanternon.
En mil huit cent soixante deux, Cordouan fut classé aux Monuments Historiques, en même temps que la cathédrale de Paris.