voyage cambodge
Il s' étend sur mille six cent kilomètres carrés, à cheval sur le sud de la Georgie et le nord de la Floride. Il y a quatre accès. Nous y sommes entrés par la Georgie.
Les Indiens locaux l' appelaient : " le pays de la terre qui tremble ". Et c' est vraiment le cas. Il y a un seul endroit du marais où l' on nous permet de poser un pied sur le sol, afin de sentir ce tremblement. Nous sommes sur un ancien estuaire du pléistocène, et d' après ce que l' on nous a expliqué, nous nous trouvons sur une mince couche de terre avec l' océan au-dessous.
Ici, on ne circule qu' en barque, ou sur des sentiers de bois sur pilotis.
Dans l' eau des canaux poussent des cypress. La conséquence en est que, les eaux, comme partout dans les états du sud, où l' on trouve ces arbres, sont noires, avec cependant de superbes reflets èmeraude par endroit.
Il y a une vie intense dans ces marais. Là, des ratons laveurs ont pris possession des racines de cypress sorties de l' eau.
Ici, des pélicans, des oiseaux que j' aime beaucoup car ils me font rire, y habitent, comme partout en Floride. J' aime les voir plonger dans la mer, à la verticale, se laissant tomber comme des pierres, pour aller chercher leur poisson favori, ou quand ils étalent leurs ailes pour sécher au soleil.
Des singes aussi peuplent ces marais, dans leur partie la plus touffue, celle qui longe la Suwannee River, qui nait ici, à Okeefenokee, avant d' aller se jeter dans le Golfe du Mexique, sur la côte ouest de la Floride.
Avec de la chance, on peut apercevoir des perroquets colorés, tenant dans les arbres de mystérieux conciliabules.
Ou bien, méditant tout seul.
Mais, le seigneur incontesté de ces lieux est l' alligator. On sent son omniprésence, et surtout dans ces eaux sombres qui, soudain, paraissent malveillantes.
Les voir est en quelque sorte rassurant, car on se dit que l' on peut contrôler la situation; il vaut mieux quand même ne pas oublier qu' ils se déplacent avec une grande vélocité, et ne pas se fier à l' hypocrite air apathique qu' ils prennent parfois, quand ils s' étalent sur la terre tremblante.
Mais, quand on en voit un qui s' avance vers nous, silencieusement, avec ce regard froidement implacable et cruel, où l' on a déjà l' impression de se voir déguisé en steak, on se dit qu' il est temps de déguerpir.
Ce parc naturel a été dédié à Stephen C. Foster, compositeur très aimé aux Etats Unis, qui a écrit plus de deux cents chansons exaltant son pays. En mil huit cent cinquante et un, il a écrit " Swanee River " du nom de la rivière Suwannee. En mil neuf cent trente cinq, cette chanson devint l' hymne de la Floride, en remplacement de " Florida My Florida " qui avait été adoptée comme chanson de l' Etat en mil neuf cent treize.
Foster, cependant, n' avait jamais mis les pieds à Okeefenokee, ni vu la rivière. Il avoua avoir choisi son nom, parce que ses deux syllabes s' accordaient parfaitement avec la musique qu' il avait composée.