Aujourd'hui, je voudrais vous faire partager un texte, extrait d' un livre de Jeanne Terracini : " Si bleu le ciel, si blanche ma ville ", et qui participe tellement de ma philosophie personnelle. Ce livre est dans ma bibliothèque depuis sa parution en mil neuf cent quatre vingt seize; c' est un chant pour une ville qui me tient à coeur, Alger, celle d' avant....Depuis, je le ressors de temps en temps, pour relire, en particulier ce passage sur le temps oriental.
" Autrefois, il n' y avait pas d' heures, mais des lunes et des ombres longues ou courtes. Le temps était approximatif, capricieux, anarchique. Léger comme un danseur à l' aube, il s' appesantissait à midi et se métamorphosait pendant que le soir rongeait son corps impatient de se dissoudre dans l' infini de la nuit.
Voué au hasard, il engendrait des instants uniques, séparés par des intervalles plus ou moins longs, ou bien, il se multipliait en parcelles qui s' incrustaient dans la durée comme des pierres semées sur la couronne du jour.
L' intrusion des horloges et des carillons, avec leurs sonneries qui s' ébranlaient toutes ensemble,
interrompit une méditation séculaire et pour la plupart, la pulsation de ce coeur mécanique devint une réalité obsédante..............
............Relégué dans un enclos, cerné de tic-tac et mal nourri par la succession monotone des jours, le temps oriental dépérit, se ratatina, prit un aspect terne et se rida sous les hâchures fines et régulières des secondes.............
............Il s' agit d' un temps subtil que l' on vit en profondeur, d' une minute aristocratique qui se détache de la procession, arrête sa course et reste magnifiquement suspendue dans l' espace. Une de ces minutes immobiles qu' il faut des heures pour traverser ".