En ce vendredi matin, la route se faufile vers le nord-ouest sous un ciel laiteux, et le premier brouillard de l' hiver dresse un décor fantomatique, dont, seuls, émergent les jeunes pins.
Je croise si peu de voitures, que je me demande d' où sortent ces files innombrables et ininterrompues, dont les phares m' éblouissent tant le soir, quand je reviens à la maison.
Perçant ce monde du silence que je devine, dans les étendues de pins ou de vignes, de part et d' autre de la route, je me fais la réflexion que ce manque de couleurs s' accorde très bien avec ce que je vais retrouver en arrivant sur mon lieu de travail, cette maison de retraite, où, contrairement à un hôpital, la bataille contre la mort est si souvent perdue.
Mais, un changement subtil dans la lumière, les bords de la route retrouvant des tons de vert et de roux, et la netteté de leurs formes,
je me dis que le soleil n' est pas entré en hibernation, et qu' il n' est pas loin d' envahir le ciel.
Une heure plus tard, j' arrive à destination, dans l' éclaboussement des couleurs retrouvées.
Cette façade parait bien avenante, et son teint de mandarine évoque une sorte de sérénité heureuse.
Mais voilà, des vents mauvais ont soufflé !
tous dirigés vers la nouvelle directrice, créant un syndrome de rejet qui est allé crescendo, et qui, jeudi soir, après mon départ, a éclaté en venéneuses fleurs du mal.
L' atmosphère, déjà exécrable, est devenue irrespirable. La " cible " a explosé soudainement, en une violente et démentielle décharge de son être. Police, pompiers, SMUR, sénateur-maire, médecin...........hospitalisation.
Certains jubilaient, d' autres, atterrés par la tournure des évènements, balbutiaient : " je ne voulais pas ça, c' est allé trop loin ".
Eh oui ! c' est allé trop loin. Les crises ont ceci de particulier qu' elles ont tendance à s' exacerber et à échapper à la maîtrise de leurs instigateurs. Et la cible des vindictes, quels que soient ses torts, (et elle en a aussi), finit par perdre son humanité pour ne plus être qu' un objet que l' on veut éliminer.
Autant en emporte.......les vents, qui ne tiennent aucun compte de la fragilité des êtres.