....Veut bien s' avancer, il verra qu' il pourra très vite voguer vers les Amériques, car, son bateau est là, devant moi, dressé dans le soleil de cet Eté qui a décidé de négliger l' Automne.
Monsieur de La Fayette n' en croit pas ses yeux, est-ce bien " son " Hermione qui revit ici, dans ce bassin de radoub d' un Napoléon III qu ' il n' a pas connu ?
Mais oui, pas de doute, c' est bien elle. Emu aux larmes, il reconnait cette poupe bleue et jaune, des couleurs qu' il a, peut-être, lui-même choisies, ses souvenirs sont un peu flous malgré tout, mais le nom est là, éclatant.
Il se revoit sur le pont, pour la première fois, ébloui par cette forêt de cordages qui s' accrochent aux trois mâts.
Les noms lui reviennent en tête : le beaupré, tendu vers l' avant, abritant la figure de proue,
les trois grands : misaine, grand mât et artimon, et, tout à l' arrière, le plus fier d' entre eux, celui qui fait flotter le pavillon de la France d' un monde à l' autre.
Il se souvient du vertige qui l' avait saisi, quand, levant la tête, il avait vu cette étroite plateforme, la hune, placée à l' extrémité du bas-mât, qui sert de fixation et de renvoi pour les haubans du mât de hune, et aussi de plateforme pour les gabiers lors de travaux dans la mâture.
Au temps des corsaires et autres flibustiers, la hune du mât de misaine servait pour la vigie qui guettait les pirates ou l' ennemi anglais.
Il se rappelait avoir pensé que l' épaisseur des cordages était plutôt rassurante.
Et Monsieur le Marquis se laissait, avec délice, glisser dans ses souvenirs comme en un rêve impalpable.
D' abord, son premier voyage en Amérique, à bord de la Victoria, au départ de Pasajès en Espagne. Son adoption comme fils spirituel par George Washington, qui en fit son aide de camp, et pour qui il éprouvait une affection filiale. Les batailles....... les blessures.....
( G. Washington : image Wikipedia )
En mille sept cent soixante dix neuf, il revient en France pour plaider la cause des insurgés américains, finit par obtenir gain de cause et repart à bord de l' Hermione.
Il se revoit à l' ultime bataille de Yorktown, sent l' odeur de la poudre, entend le fracas des armes, et ressent à nouveau l' ivresse de la victoire, la création des Etats Unis d' Amérique dont il devient citoyen d' honneur. Il revit intensément ces souvenirs de la gloire passée.
Dans le fond, ce n' est peut-être pas si mal d' être un fantôme !!!