Pause fraîcheur terminée, nous voilà prêtes à repartir dans la touffeur de Gensac. Moi, j'aime ça, mais la Parisienne qui m'accompagne aujourd'hui n'apprécie pas trop, et me regarde un peu de travers en me voyant caracoler.
Frappés de torpeur, les habitants boudent toujours les ruelles qui sont désespérément désertes.
Nous apercevons le clocher de l'église, reconstruite au XIXème siècle, et qui cache sous elle, dans une grotte profonde, une créature aussi maléfique que fantastique.
On l'appelle la Chausse Bielhe, et j'ignore la signification de ce nom. Il s'agit d'une bête mythique qui hanterait les souterrains qui s'étendent sous l'église, et qui aurait la sale manie d'aller s'asseoir sur la poitrine des dormeurs et de les étouffer pendant leurs rêves.
Mais que veut'elle étouffer exactement ? Les dormeurs ? Ou les rêves ?
Peut-être vaut'il mieux ne pas trop s'attarder devant cette église, qui est, comme de plus en plus souvent, fermée. Mais que font donc les Chrétiens ? D. est'il mort en France ? La spiritualité est'elle devenue ringarde ? Il me semblait pourtant que de tout temps, l'Homme avait aspiré à la transcendance ! Ce n'est plus vrai alors ? N'y a t'il pas un peu d'arrogance dans tout ça ? Aurait'on acquis un complexe de supériorité face à la nature qui, pourtant, quoi que l'on dise et quoi que l'on fasse, sera toujours plus forte que nous.
Voilà que, même fermée, même si elle n'est pas mon lieu de culte habituel, l'église, comme la synagogue ou la mosquée, engendre la méditation métaphysique.
Face à l'église, de l'autre côté de la placette, une belle demeure flanquée d'une tour ronde assez rébarbative.
Nous continuons notre chemin dans ces rues tranquilles; parfois, un étroit passage plonge vers la vallée.
On devait voir venir les ennemis d'assez loin. Ils furent nombreux, et le territoire de Gensac passa entre différentes mains depuis que le village n'était qu'un castrum médiéval dominé par le seigneur du lieu : Raymond de Gensac. Sa lignée régna de l'époque féodale jusqu'en mille cent vingt. Puis il y eut Elie Rudel, fils de Marguerite de Turenne; Les terres passèrent plus tard de Bernard d'Albret au roi de France Charles VI, puis à Isabeau de Pons.
Et les Anglais arrivèrent à leur tour et mirent le siège devant Gensac qu'ils prirent le huit juillet mille quatre cent cinquante trois. Un peu plus de cent ans plus tard, le Sire de Montluc reprit le village. Mais les gens de Gensac, soutenus par la noblesse locale, étaient des rebelles et ne voulaient pas se soumettre au roi de France.
Alors, à la fin de l'an de grâce mille six cent vingt et un, le Chevalier de Pardaillan s'obstinant à vouloir imposer la fidélité au roi de France, le Chevalier de Savignac d'Eynesse se rebella de nouveau. Accompagné de quelques mousquetaires, il défenestra le têtu par la fenêtre de sa propre chambre.
On ne plaisantait pas à Gensac !
Continuant notre exploration, un porche attira ma curiosité et je résolus d'aller voir ce qu'il y avait au-delà.
En tournant à gauche, je tombais sur une courette secrète.
Ce village est petit et on en fait assez vite le tour. il y avait des choses intéressantes à voir : la maison du boulanger où l'on aurait pu voir comment vivaient les gens au XIXème siècle, l'atelier du dernier courtepointier de France........Hélas ! Tout était fermé.
Alors nous sommes revenues vers la place et la rue où la voiture nous attendait, enfin, en principe !
Un dernier regard en arrière,
Et nous voilà parties. Au-revoir Gensac !